Sa critique :
Je ne nourris pas une affection débordante pour Mélanie Laurent mais je dois admettre que sans sa notoriété d’actrice et de réalisatrice, le message n’aurait peut-être jamais porté...ce qui aurait été dommage tant “Demain” tranche radicalement avec la plupart des documentaires récents à vocation écolo, qu’il s’agisse d’une “vérité qui dérange” d’Al Gore ou du “syndrome du Titanic” de Nicolas Hulot. Ces derniers avaient en commun d’être alarmistes, voire même fatalistes : c’est un sentiment d’impuissance qui s’imposaitt au terme de ces tentatives de conscientisation en forme de “stratégie du choc”, celle d’un saccage de la planète déjà bien avancé orchestré par des entités politico-économiques intouchables et omnipotentes face auxquelles “toute résistance est inutile”. Le nouveau venu, lui, fait le pari inverse, celui de montrer que la soumission aveugle aux règles du système n’est pas une fatalité et que les initiatives les plus minuscules à l’échelle mondiale peuvent donner des résultats positifs. Afin d’asseoir sa démonstration, le documentaire balaie cinq grands thèmes (l’agriculture, l’énergie, l’économie, la démocratie et l’éducation) en présentant des exemples de communautés, de villes ou d’entreprises qui sont parvenus à s’extraire du modèle dominant pour adopter un mode de fonctionnement alternatif et durable qui soit à la fois adapté à leurs besoins et aux enjeux contemporains. Voir les friches et les quartiers délabrés de Detroit se couvrir de potagers collectifs ou cette commune anglaise planter des légumes dans chaque recoin disponible, apprendre l’existence de la banque suisse Wir et de sa monnaie complémentaire dédiée aux échanges entre PME nationales, ou découvrir de quelle manière la ville de Copenhague espère parvenir à l’autosuffisance énergétique d’ici quelques années suscite forcément l’enthousiasme. Cependant, le documentaire ne nie pas l’interdépendance obligatoire des nombreux facteurs qui impliquent que ces systèmes ne fonctionnent pour l’instant qu’à très petite échelle. Il ne cherche pas non plus à livrer une démonstration imparable de ce qu’il avance. Est-ce que l’agriculture bio pourrait vraiment nourrir toute la planète ? Le monde politique peut-il encore analyser quoi que ce soit en dehors d’une échéance électorale ? La mobilisation populaire sera-t-elle suffisante pour créer une impulsion positive ou les citoyens sont-ils irrémédiablement anesthésiés par la société de consommation ? Autant de questions en suspens qui pourraient remettre en question la possibilité d’un autre modèle de civilisation. “Demain” n’est pas l’oeuvre de documentaristes et d’experts mais de militants, qui ont bien compris que les leçons de morale et l’indignation ne donnaient que rarement des résultats probants : ils ont donc fait le pari de présenter des réussites qui fonctionnent et d’expliquer comment et pourquoi elles fonctionnent, en ayant l’humilité de ne pas asséner comme une certitude que l’extension de ces modèles à l’échelle globale est techniquement et psychologiquement réaliste. Ce faisant, leur rôle se limite à planter des idées dans l’esprit du spectateur en espérant qu’elles fassent leur chemin et à maintenir allumé l’espoir vacillant qu’un autre monde est effectivement possible.
0
0